Carnet

CARNETS | marie deschênes

30 mai 2008

des heures à scruter le vide
la perspective de voir bouger
un atome le rend intarissable

28 mai 2008

nous disparaissons
par l'expérience des routes
cherchant le centre en périphérie
l'ennui des espaces vacants
que nous sommes
vagues trébuchant
la ligne sautée
des pierres mortes
sans le dire

27 mai 2008

la parole est ta plaine brûlée
à naître entre les secousses
des légèretés
sont d'autres blessures
l'architecture cambrée des effondrements
l'échine enfouie dans la terre
resplendissant noyau des mers

il ne faut pas craindre l'oiseau qui meurt
sa robe rouge et brève
son chant d'aiguille
qui scrute les lassitudes
ses dernières éternités

23 mai 2008

ce geste presque rien
sa main devenue forte et calme
ma taille soudain souple, offerte
puis rien, rien sa silhouette
disparaissant dans la pénombre
et la porte qui se ferme

et ce geste toute la nuit
presque rien
qui se déploie

21 mai 2008

que fais-tu ici
dans l'espace que tu n'as pas encore créé
que cherches-tu dans les possibles
et la mélancolie cherches-tu à devenir
un peu plus tangible un peu moins
loin du monde
que fais-tu ici
une fenêtre de quel côté de la fenêtre
es-tu

16 mai 2008

pour s.

la nuit passée tu étais là
la marée était si haute dans la nuit
qu'elle submergeait presque le quai
la fascination créée par les niveaux
du sol et de l'eau confondus
nous enlevait la peur
au loin les arbres noirs
étaient secoués par les vents opposés qui se croisaient
et quand la neige tomba lourde et lente
je vis ton dos nu se cambrer avec force
et j'entendis les cordages grincer autrement
la mer était blanche

13 mai 2008

il faudrait s'approprier les choses un peu plus
décrire le monde
au lieu de le ressentir

il faudrait être plus ponctuelle
moins déroutée par les heures
perdre moins de temps dans les marelles

il est trop tard pour dieu
l'ignorance m'échappe
les rêves arrivent

4 mai 2008

bibelot quelconque
corps sans gravité
d'un état gazeux à un autre
trébuchante conscience
l'humanité dissoute
par les fenêtres
et le mystère aboli

3 mai 2008

comme l’eau est humble et inventive
elle n’aborde la feuille ni la bouche
jamais de la même façon
sa transparence est sibylline ;
elle procède, mais demeure
porteuse des pays qui sont passés par elle

2 mai 2008

rien n'importe tout est indifféremment unique
les bruits se fondent aux âmes
aux secousses tranquilles de ne pas exister
et l'on retient de tout ça
un morceau d'immensité
la même chose en plus petit
ah mortels et libres
à s'enfuir à courir sur terre quelle blague
on ne fuit rien on se rapproche toujours de ce que l'on fuit la terre est ronde
mais il y a aussi la légèreté
suspension à rien le sens perdu
les improbables directions
parmi les étoiles et ce qu'on ne sait plus
tourner en rond redevient abstrait
et la terre a la forme de nos têtes

1 mai 2008

les sanglots sont ce qui reste
les sanglots retenus demeurent
chauds et vivants les sanglots
sont ce qui reste