Carnet

CARNETS | marie deschênes

28 août 2008

rien l'homme est venu
prendre un ou deux murs tu ne disais rien
comme une sentinelle tu t'affairais
le long des ébauches des disparitions
aux fenêtres exsangues
l'aube à peine aperçue
ainsi ta nudité s'achève
il faut bien ranger la poussière
faire semblant de n'avoir pas remarqué le ciel
ranger, les lèvres closes, comme après un enterrement
ranger des bibelots, des livres, déplacer des meubles
ouvrir la porte fermer la porte garder ses cheveux noués
au cas où la pluie et le plafond auraient des fuites
des connivences
que faut-il faire avec ce mur dans la bouche
ce soupir dans la main
je parle trop je ne dis rien ma lumineuse faillite
assise dans une autre pièce
pas tout à fait
métaux robes cheveux agités
l'air de rien touchant l'orage
camouflant ma pudeur ma fugitive
joue contre le mur

27 août 2008

que faut-il faire avec ce mur et ce soupir
j'arrive à peine ici dans cet écart
les mains fendues par le brouillard
tu m'avais dit marie les ponts
n'iront plus se perdre ni sans toi
tu peux ouvrir ce qui t'absente
sans craindre les piqûres les avalanches
poses tes mains sur ton ventre et dors

26 août 2008

les lamentations du bourreau

le bourreau plus que tout
aime aimer la lame
astiquée de salive glorifiée
quand juste avant de s'abîmer
dans la mer opaque de la nuque ouverte
un bref instant elle lui renvoie
encore propre son image
comme une apparition sainte
lumineux présage
juste de la mort


*


le bourreau exécute sans poser de questions
l'ignorance est son devoir
sans elle il ne pourrait rien
à son propre salut


*

le bourreau se plaint
le sang de ses victimes salit
ses mains, laisse des traces indélébiles
sur la lame miroitante

25 août 2008

je n'ai pas d'ambition
l'équilibre peut-être
dehors est mon plus long souffle
dès que j'entre quelque part je cherche les fenêtres
j'ai cette mélancolie comme une enfance
l'impression d'être ailleurs et plus tard que ce corps
j'ai au moins 12 enfances je ne suis sûre de rien
en ce moment j'ai 33 ans, 82 ans, 8 ans et demi
c'est un peu confondant quand on me demande
ce que je fais dans la vie j'ai une grande fenêtre
des douleurs irrésolues je n'arrive pas
trop à sentir c'est pour ça que j'écris
j'imagine

24 août 2008

les fenêtres sont sales et sans rideaux
je ne vois pas les voisins donc ils ne me voient pas
l'homme que j'ai quitté écrit des poèmes
dans une chambre que je ne connais pas

23 août 2008

quelquefois tu aimes
parce qu'il faut bien, la tristesse
défait en toi
ce que les lèvres ne trouvent pas
je suis prise
après l'horizon
les lèvres des hommes
ne trouvent plus le chemin de mes chutes
ma trace rouge dans le vent
leurs lèvres pendant que
séville m'est loin
ferment des portes

20 août 2008

aux nymphes et danaïdes
point de portail ; seul
le trépas et le glaive
au cou l'ornement d'horizon
par lequel les sangs filtres
des marins purifient la glaise
et le diamant tu, pris
pour son ombre la mer
confondue par le ciel
l'eau demeure et chante

1 août 2008

la mort est passée
on la sentait dans les absences
imperceptibles des gestes connus
les chats le silence
quelque chose de vague entre eux
qui ne se frôlent pas
la canicule fixe les murs
à la poitrine on n'en sort pas
on peut aller loin c'est pareil
quand on n'y est plus
qu'en dedans
loin des autres

qu'est-ce que c'est que mourir on se demande
qu'est-ce que c'est de ne plus voir
quand on fixe ses yeux sa fatigue son corps
qui se traîne la soif le regard si loin
le moment exact de la chute
le revirement vers rien
où ce que l'on a été et connu, regardé
ne prend plus forme
se perd dans les limites inconnues de la matière

ma main sur sa nuque il m'échappe
rien ne sert de parler les années se réduisent
à cet instant je lui dis que je l'aime
la porte reste ouverte derrière moi
il est par terre et regarde le mur