Carnet

CARNETS | marie deschênes

31 oct. 2009

pendant que d'autres
assis à table
mangent et boivent
rient et aiment
tu es debout derrière ta chaise
de bois sec seule
devant la grande fenêtre nue
tu n'as rien
que cette maladie dans le silence
que certains appellent talent, ou don
l'œil trop ouvert
les lèvres closes
comme la fenêtre
donne à voir
dehors sans jamais y être
il y a longtemps que tu as abandonné l'idée de parler
le chat est comme toi devant la fenêtre sans rêve
sans griffes et sans proie
ses instincts le mènent là malgré son handicap - le confort -
à refaire sans cesse dans sa tête ce même geste de survie
il ne bouge pas, attend la nuit, il guette le rêve
jusqu'à dormir, le chat et toi
vous ne dites pas mot vous regardez
par cette transparence de l'autre côté
rien ne vous attend
rien ne vous regarde
rien ne vous entend
ni lui ni toi ne savez comment parler
ni lui ni toi ne savez comment survivre

10 oct. 2009

ton cœur posé près de moi
comme une question
au miroir
tu n'as rien à dire
vos absences
ont l'éclat de diamants étouffés
à mon cou Styx
de perles d'onyx
le coupant noir soleil
nous nous aimons si peu
c'est presque insupportable
tant il y a peu de choses
qui nous soulèvent

1 oct. 2009

j'ai tenté de mourir tant de fois
j'ai construit des avions de papiers
volé pendant des orages j'ai été atteinte de mutisme
j'ai lancé des lacs noirs dans des livres je suis devenue danseuse
j'ai écrit des poèmes pendant des jours solvables j'ai dit je t'aime
je me suis sauvée des aurores en plein déploiement
j'ai posé des lapins j'ai quitté l'homme de ma vie
j'ai pleuré des siècles en comptant jusqu'à dix
les yeux fermés au milieu de nulle part
j'ai perdu mes clés rien ne marche
coincée dans l'absurde résistance
la liberté pendant que le monstre tourne
la clé comme une pierre jetée
dans l'œil pour atteindre le cœur