Carnet

CARNETS | marie deschênes

24 oct. 2010

Puisque je ne suis pas encore morte et que le temps de vivre est bien court, vous savez, on vous l'a répété tant de fois, je profite de cette absence d'occasion pour me taguer, M'sieur Gregor ne l'ayant pas fait dans le temps. Je n'ai rien à faire aujourd'hui, et je ne suis pas morte, donc, je m'occupe.
Parce que mon bureau est plus loin de moi qu'il ne l'est de vous, ce sera un exercice mélancolique que d'en faire ici la description.
Je suis à Sevilla. Mon bureau est à Montréal. Lorsque j'écris, ici, ailleurs, je crois organiser ma pensée en fonction de la grande fenêtre qui ici n'est pas, mais sur laquelle donne mon grand bureau blanc, à Montréal. J'aurais aimé pouvoir dire qu'il serait plus juste de décrire cette grande fenêtre si l'on veut décrire mon bureau de travail mais, hélas, comme elle est à la verticale, comme la plupart de ses semblables, rien n'y colle, tout en tombe, et il est très inconfortable d'y travailler. Or, juste dessous, il y a une grande table, blanche, qu'un ancien amour avait laissé derrière lui, il y a fort longtemps de ça. Comme je ne peux me servir de la fenêtre comme bureau, je tiens à ce que, tout de même, la table de travail qui la remplace en garde quelques caractéristiques : ce n'est pas le rangement des objets qui s'y trouvent, mais la limpidité de sa blancheur, qui me préoccupe quotidiennement. Même si elle se trouve quelque part sous des tasses à thé remplies de mégots, des factures impayées, des livres et des gribouillis, les petits morceaux de sa blancheur que l'on aperçoit doivent être impeccables, parce que ce sont eux qui me permettent de voir. Voir quoi, ça dépend. Comme par la fenêtre, il y a des choses et des gens qui passent. Il faut que la fenêtre soit propre. On ne voit jamais que des morceaux de ciel, à la ville. Mais on sait qu'il est là, derrière. Or cette table, elle est blanche, et même s'y elle croule sous les papiers et les saletés, je sais qu'elle est blanche en dessous.