Carnet

CARNETS | marie deschênes

26 déc. 2009

valses entrecoupées de miroirs
avec qui danse-t-on vraiment
avec le vent en soi le mouvement
est-il nôtre
est-il une volonté parmi le hasard;
ma robe sa mélodie de tulle
froissée effleurée
sans mains sous l'échine
quand je tombe l'univers
bouge-t-il

17 déc. 2009

Aux rhétoriciens à qui le miroir
appartient la venue des christs éclatants
leurs mains, langues aux morsures de diamant
affairées dans l’espace, pointues, acérées
constellations épineuses
qui donneraient à voir dans leur passage
sur la surface indicible du ciel
renversé rien ce qui se cache
derrière les limites
en dehors des rêves
les éclats de réel recollés
avec un peu de sang de farine de ciment
pour le beau le ciel handicapé
le poème le vide

20 nov. 2009

son visage une brèche lumineuse
dans le flou paysage
des jours qui vitement ou lentement
passent sans qu’on n’ait idée d’où ils vont
son visage lui vient à moi
docile, y demeure

7 nov. 2009

Toujours le même jour
et le visage qui s’égare

Le temps va si vite
j’avance si lentement

2 nov. 2009

Vivre a pris le dessus
et même prostrée devant
le doute le mur dans la tête
et Beckett comme un os unique
même comme ça sans bouger
tu t’inscris dans le monde
ta trace pâle abandonnée
dans le vide ton sang
avance peut-être ailleurs


Tu es malgré toi
prête debout devant le mur
comme un champ de bataille sans profondeur
dans lequel tu ne te battrais
que contre la surface ;
pour voir le monde,
l’abattre

Il n’y a que des images
et tu ne sais te battre
contre ça l’acier
debout dans l’univers
en tombant ne fait aucun bruit

31 oct. 2009

pendant que d'autres
assis à table
mangent et boivent
rient et aiment
tu es debout derrière ta chaise
de bois sec seule
devant la grande fenêtre nue
tu n'as rien
que cette maladie dans le silence
que certains appellent talent, ou don
l'œil trop ouvert
les lèvres closes
comme la fenêtre
donne à voir
dehors sans jamais y être
il y a longtemps que tu as abandonné l'idée de parler
le chat est comme toi devant la fenêtre sans rêve
sans griffes et sans proie
ses instincts le mènent là malgré son handicap - le confort -
à refaire sans cesse dans sa tête ce même geste de survie
il ne bouge pas, attend la nuit, il guette le rêve
jusqu'à dormir, le chat et toi
vous ne dites pas mot vous regardez
par cette transparence de l'autre côté
rien ne vous attend
rien ne vous regarde
rien ne vous entend
ni lui ni toi ne savez comment parler
ni lui ni toi ne savez comment survivre

10 oct. 2009

ton cœur posé près de moi
comme une question
au miroir
tu n'as rien à dire
vos absences
ont l'éclat de diamants étouffés
à mon cou Styx
de perles d'onyx
le coupant noir soleil
nous nous aimons si peu
c'est presque insupportable
tant il y a peu de choses
qui nous soulèvent

1 oct. 2009

j'ai tenté de mourir tant de fois
j'ai construit des avions de papiers
volé pendant des orages j'ai été atteinte de mutisme
j'ai lancé des lacs noirs dans des livres je suis devenue danseuse
j'ai écrit des poèmes pendant des jours solvables j'ai dit je t'aime
je me suis sauvée des aurores en plein déploiement
j'ai posé des lapins j'ai quitté l'homme de ma vie
j'ai pleuré des siècles en comptant jusqu'à dix
les yeux fermés au milieu de nulle part
j'ai perdu mes clés rien ne marche
coincée dans l'absurde résistance
la liberté pendant que le monstre tourne
la clé comme une pierre jetée
dans l'œil pour atteindre le cœur

30 sept. 2009

un jour peut-être
nous aurons pour salon
des rues de Barcelone
la beauté et nos mains
comme seul passage du temps

22 sept. 2009

dans la faille
mienne la violence
je recule;
voir le monde demande
de s’effacer
l’éclat

*

À côté je
vais imprimer
sans traces
aller

*

Je n’est
qu’un coup
dans le monde dans le vide

*

Encore rien et très fort
pour que je puisse
habiter le monde

13 sept. 2009

septembre j'ai manqué le couchant
affairée à ne pas vivre, car trop
préoccupée de noirceur
l'éclat passif des absences
aux plaques tectoniques
effacées pour faire place
au grand trou le regard
échappé avec elle
rien ne sera doux
l'espace rien ne le sera
je ne sais
que survivre


*

la disparition est un mur de plus

*

il n'y a pas d'attente
le temps se cumule au même endroit
que les choses disparaissent
il n'est pas question
que je vive à côté, ici
c'est en colère que je dois
remplir ces espaces
sinon me taire, sinon me taire
et personne ne me dira de le faire

*

qu'as-tu à donner
les autoroutes rien
que le silence qui nous achève
pendant la liberté
qui nous fera nous retourner
délaissant jusqu'à nos corps
pour rappeler le monde
à nous


*

c'est le poing dans les coupures les lames les arrêts
sans recul aucun vers l'osmose
au tranchant des limites
la vitesse parmi le corps
comme une rivière éclatée
sans lit sous le cœur
mais des veines qui ont soif
que je tenterai d'attendre

4 sept. 2009

patience, il y aura quelques traces
ici bientôt
quand je reviendrai du voyage
long voyage suivant les traces
que je laisserai ici bientôt

27 août 2009

disparais

il y a un fou qui traîne par ici
de plaisir le bretonneux à montréal
je le sens qui erre derrière les murs
effrayé par son propre silence

15 août 2009

trois poèmes pour C.

elle est dans une salle
je suis dans une pièce
où nous ne sommes pas

entre nous gît le soleil


*

soleil plagié
partout les soleils
empêchent de toucher
sa soif

*

elle attend
je crois
que vivre revienne
j'imagine
habiter en elle

14 août 2009

candide tout près du soleil
la terre ne nous intéresse plus, amie
candide tout près du soleil
comme une planète translucide
que personne ne voit
lourde et vaste emplie de tout
de tant que rien ne sert de boire
déjà tu avales le monde

2 août 2009

bréviaire de disparition

pour Isaiah

aucun état liquide
entre le monde et son œil
une écharde regarde dehors
aride moment que celui de vivre


*


Elle est droite comme une poutre
debout au centre des luxuriances de la mer
la femme sans poème
dans sa fatalité
sa chance de n’être pas décharnée
perméable contre le soleil qui s’égare la bouche
close la main prête quand tout en elle
se densifie bois sec avant de mourir
sans jamais une faille même pas un poème
par lequel se noyer


*


Plus tard elle s’ennuie dans sa ménagerie
d’aubes et de fenêtres apprivoisées
des flacons silencieux d'eaux précieuses sa peau lisse
contre les lignes abstraites les idées qu’elle échappe
viennent s'éclater en elle la glace
oubliée entre la fin de l’enfance et le début de la mort
la pointe émoussée de vivre
qui n’a pas su ouvrir la faille


*


Elle est lasse elle aurait aimé aimer le monde
si limpide qu’il disparaitrait
au profit des astres
peut-être là derrière
toutes ces choses qu’elle refuse de nommer
par souci de lumière
et qui se cumulent
malgré elle


*


À force de taire
le monde continue
sa disparition


*


Elle perd le monde
en se perdant
dans la vitesse
elle croit


*


C’est
d’un poème dont on verrait
non pas la forme la structure la source
mais ce qu’il permet
de voir dont elle rêve


*

Il n’y a plus
que les inlassables
Omnes Generationes
de Bach les kilomètres le béton
pour la faire s'émouvoir
quelle est donc cette maladie
aride cette interminable indifférence
alors que les autres parlent
de douleurs d’arbres et de couleurs
elle n’a qu’une idée en tête
qu'elle n’arrive pas à nommer


*


Musique enfin
directions claires
de l’absence de sens

1 août 2009

la femme sans poème
dans sa fatalité
n'a d'autres robes que d'agir
couchée par terre, l'inutile
pense à des guerres qu'elle ne connait pas
dans son ventre s'achève
une mouche
tourmentée par le plafond
on ne fuit pas sa propre peau

24 juill. 2009

le salon s'éternise dans la fumée
Billie chante à peine Yesterdays
j'écoute mais n'entends
aucun train passer

Barcelona ses rues disloquées
malgré mes paupières fermées
pour mieux la voir
m'échappe, effacée

quel ennui toute cette beauté
cette clope ce rouge ce fauteuil
vide cette ville morne
ce poème

je n'arrive pas à faire des rimes
ni des vers réguliers
mes trains déraillés mes paysages
à l'envers de dentelles dérapées
m'amusent plus que les prières les souvenirs
de calme et de volupté

23 juill. 2009

éclairs entassés
l'obstruction tardive des élans
comme des faons lumineux
abrégés par un fil
à l'aboutissement des montagnes

22 juill. 2009

quête, cette tête en arrêt
à même les fulgurances
de l'amant imaginaire
l'inépuisable fenêtre
la dénouante

de si belles lettres ne s'écrivent pas et pour personne
qu'est-ce que la lourdeur
si ce n'est le cumul des absences
la beauté coincée dans le mécanisme boiteux des charnières

21 juill. 2009

roche devenant éther, ou un truc du genre
cherche encore un peu dans Wikipédia, Marie
la mer est longue et noire entre les deux
tu t'y couches pour voir les lourdes étoiles
qui sont ce ciel translucide
les doigts dans le sable
la bouche pleine de sel
noyée derrière
ce reflet de rien

5 juill. 2009

je suis dans cette ville comme une absence
vêtue de dentelles et de poussière
j'y ère ailleurs
empruntant des rues qui n'existent
que dans une autre ville
à une autre époque je marche dans cette ville
laissant derrière moi
sur les trottoirs, partout
mes dentelles arrachées
par les lampadaires et les voitures
sous les dentelles il n'y a pas de femme
sous les dentelles il y a un rêve;
Barcelona
une femme nue
assise au bar du Schilling
écrit ce poème

4 juill. 2009

ce soir alors que je rentrais chez moi
parmi l'abondance de l'été
un ciel froid vint alourdir
le temps et l'humeur; l'automne
sa profonde mélancolie sa douceur
et la grisaille cet achèvement
des couleurs cette retenue
me revint; l'automne qui
comme l'absence dérobe
à toute chose quelque chose d'indicible
passa ce soir en moi par la rue
morte malgré les flamboyantes fulgurances
des folles beautés souples et rosées
de l'été qui soudain se tut; l'automne
gorgé de ce qu'auront été
poires et figues, romarin, carpelles et miel
retenant leurs lourds parfums
clos, silencieux et lointain
me fit penser à vous;
votre bouche est pour moi
comme cette saison ses parfums
absents sublimant même vivace
et fertile jusqu'à la moindre averse

27 juin 2009

je n'écris à personne, vous savez bien
vous qui n'êtes plus là; j'écris à l'absence
ce qu'elle creuse de silence
dans la parole, comme dentelles;
c'est ce qui manque qui les rend si jolies

je n'ai jamais su de quel côté
de la fenêtre je me trouvais
parfois dehors, si loin
parfois dedans, si loin
mais toujours semble-t-il je me trouve
séparée du monde

quelle est donc cette transparence
qui lie le monde au monde
ce cercle que je cherche - en moi dans le monde, dis-je
j'ai beau fouiller, parcourir le vide
partout vous y êtes

26 juin 2009

derrière la transparence

là si claire et lumineuse
qu'on n'imagine pas ce que voile
l'aveuglement
une façon plus subtile
d'aimer sans faille

suite d’épuisements

écrite à Barcelona le 19 mai dans l’épuisement le plus complet
dans un salon de thé du barri gotic et en peu de temps
pour répondre à cette question qui me hante
Œuvrer ou non?

-John Zorn - filmworks 19
-Gyokuro


*

Le poème je veux le vivre
avancer seule parmi
les accidents de justesse
éviter la mort
en me taisant


*


L’arrivée à la perte s’est faite ici
à la pointe de l’espoir
tu te savais chavirante
sur le point de ne plus choisir


*


Par moment tu ne sais plus
si passe ce qui se passe
ou si c’est le monde qui dérape
pendant que quelque chose coince
dans l’engrenage du temps

Ce sont ces déraillements
qui te marquent que tu fuies
par les grandes routes
que tu envisages
à travers la peau et l’indifférence

Nommer t’ennuie
aussi préfères-tu avancer
parmi d’autres oublis


(à la question : que s’est-il passé?)


*


Ô folie cher poème
notre liberté si violemment
absurde parmi le silence des astres
tandis que nous nous incarnons
par le hasard
rien ne nous regarde
transis de questions


(pour Benoit par moments)


*


Je ne suis plus ici
ni écrite ni à Barcelona
usée ou pâle comme les mots
qui me sortent je refuse
d’y entrer


*


Rien, donc
écrire
mourir avec ça, ne rien savoir
ni personne


*


Je creuse des fenêtres
ici
dans le vide


*


J’écris ça
par manque de substance
quasi-absence
de chair juste
assez me reste
pour remplir la solitude
ne pas aimer


*


Mince comme une plaine
je ne chante pas
préférant rester debout
quitte à n’attendre personne
dans mon chavirement


*


Ne suis pas encore
à rire devant la violence
vide, la bouche pleine
du silence du ciel


(Pour Beckett, qui assurément se marre)


*


Chers amis
je rentre dans l’épuisement
pas grand chose


(Intention de lettre à mes amis, depuis Barcelona)


*


J’existe de moins en moins
la preuve
je l’écris

23 juin 2009

ne vous mettez donc pas ainsi en colère cher esprit
pourtant si brillant de nuances et d'éther
vous cherchez or ce que vous cherchez
n'a pas la forme d'un monolithe
celui par lequel vous pensez
en me regardant
alors que je cause fenêtres ouvertes
ailleurs comme une femme
cible de vent
je me teindrai en coiffeuse
j'aurai des grossesses silencieuses
le dimanche en famille, et des robes
pas trop longues pas trop courtes
des pulls bleus pour ne pas choquer
assise j'écouterai on m'aimera
parce je n'aurai pas fait exprès
je boirai du café pour comprendre les gens
quand ils se plaignent du quotidien et de la machine
les femmes sont plus belles avec un défaut
une certaine asymétrie on n'aime pas les icônes
les grandes lignes violentes bien dessinées à côté de la track
de chemin de fer en cavale brunes et tragiques
noires et rouges héroïnes en talons
aiguilles sur les rails espagnols
mieux vaut les laisser seules
sur les écrans le papier
glacé dans les poèmes

or si je me tassais au centre et la suivais cette track
normale, sans trop de visage
pleine de bons sentiments rassurants et corrects
comme le mariage et la télé
au lent plafond de notre blanche maison
quand viendra la nuit
me parleras-tu de Derrida
ta main fermement close sur moi
pour que peut-être je rêve
à des murs qui tombent
à Barcelone nos ébats
violents comme l'absence
tu ne disais rien
et très fort, en catalan
j'ouvrais la fenêtre
inutile parmi les mouches

22 juin 2009

Comme me manque
Barcelone notre dialogue
où nous ne nous sommes
jamais retrouvés
ensemble du moins rappelez-vous
Barcelone était comme eau
manquante ici
quel ennui la terre
fend par endroit notre dialogue
manque à toute chose
vivante encore je vous
c'est difficile je ne
pas plus que vous mais
enfin quelle est l'équation vous êtes
au cœur de toute somme
quelle qu'en soit la portée ;
un jour peut-être
nous aurons pour salon
des rues de Barcelone
la beauté
et nos mains comme seul
passage du temps

17 juin 2009

Il m’a dit de me taire, je n'écrirai pas
les marées qui m’habitent toutes ces images
dans lesquelles exister quand
ce n’est pas possible ailleurs
ne parlerai pas des cicatrices
de ma bouche les brûlures
de cigarette qui sont les traces
ô symboles métaphores fabriques de cœurs artificiels souvenirs
de ça
que je ne prendrai pas la peine
de nommer ce qui m’intéresse c’est le vent
de nos voix entremêlées entre nos doigts dans le silence
de nos rencontres l’effleurement des pudeurs
la distance qui permet
à la souplesse
de prendre place

8 juin 2009

le jour où mon père m'a dit ma fille trouve-toi donc un vrai métier; tu pourrais être coiffeuse j'ai compris que je n'aurais plus d'autre choix qu'être poète

6 juin 2009

pour candide

petite flamme ronde et bleue
j'irai par toi
au bout de l'espérance
si c'est par le cœur
que se dénouent les failles
passe ici par le mien
qui te servira de chemin
pour aller en toi
chercher ma main

31 mai 2009

je ne sais plus où est le sol
trop d'érosion - traces de l'ennui des plaines canadiennes
je suis ailleurs ici l'avion debout dans le salon
mes yeux arrachés par l'horizon
regardent mes pas prendre de l'avance
tracer des routes sans moi

16 mai 2009

03->06

Avion Montréal - Amsterdam
Avion Amsterdam - Madrid
TGV Madrid - Sevilla
Voiture Sevilla - Italica - Sevilla
Bus Sevilla - Cadiz
Bus Cadiz - Sevilla
Train Sevilla - Cadiz
Train Cadiz - Sevilla
TGV Sevilla - Barcelona
Train Barcelona - Narbonne
TGV Narbonne - Paris
TGV Paris - Avignon
Voiture Haute-Provence - Marseille - Avignon
Voiture Marseille
Train Marseille - Montpellier
Train Montpellier - Barcelona
Voiture Barcelona - Valencia - Requena - Cordoba
Voiture Cordoba - Sevilla
TGV Sevilla - Barcelona
TGV Barcelona- Madrid

18 avr. 2009

à Montparnasse sans parapluie
l'ennui, la pluie, tout ça, Paris
n'a plus de Paris que le nom
le chat regarde par la fenêtre
moi je regarde le chat

4 mars 2009

ce qui reste portant
la voix parmi les avions
à sevilla en moi le cercle
continue d'être lui-même