Carnet

CARNETS | marie deschênes

27 juin 2009

je n'écris à personne, vous savez bien
vous qui n'êtes plus là; j'écris à l'absence
ce qu'elle creuse de silence
dans la parole, comme dentelles;
c'est ce qui manque qui les rend si jolies

je n'ai jamais su de quel côté
de la fenêtre je me trouvais
parfois dehors, si loin
parfois dedans, si loin
mais toujours semble-t-il je me trouve
séparée du monde

quelle est donc cette transparence
qui lie le monde au monde
ce cercle que je cherche - en moi dans le monde, dis-je
j'ai beau fouiller, parcourir le vide
partout vous y êtes

26 juin 2009

derrière la transparence

là si claire et lumineuse
qu'on n'imagine pas ce que voile
l'aveuglement
une façon plus subtile
d'aimer sans faille

suite d’épuisements

écrite à Barcelona le 19 mai dans l’épuisement le plus complet
dans un salon de thé du barri gotic et en peu de temps
pour répondre à cette question qui me hante
Œuvrer ou non?

-John Zorn - filmworks 19
-Gyokuro


*

Le poème je veux le vivre
avancer seule parmi
les accidents de justesse
éviter la mort
en me taisant


*


L’arrivée à la perte s’est faite ici
à la pointe de l’espoir
tu te savais chavirante
sur le point de ne plus choisir


*


Par moment tu ne sais plus
si passe ce qui se passe
ou si c’est le monde qui dérape
pendant que quelque chose coince
dans l’engrenage du temps

Ce sont ces déraillements
qui te marquent que tu fuies
par les grandes routes
que tu envisages
à travers la peau et l’indifférence

Nommer t’ennuie
aussi préfères-tu avancer
parmi d’autres oublis


(à la question : que s’est-il passé?)


*


Ô folie cher poème
notre liberté si violemment
absurde parmi le silence des astres
tandis que nous nous incarnons
par le hasard
rien ne nous regarde
transis de questions


(pour Benoit par moments)


*


Je ne suis plus ici
ni écrite ni à Barcelona
usée ou pâle comme les mots
qui me sortent je refuse
d’y entrer


*


Rien, donc
écrire
mourir avec ça, ne rien savoir
ni personne


*


Je creuse des fenêtres
ici
dans le vide


*


J’écris ça
par manque de substance
quasi-absence
de chair juste
assez me reste
pour remplir la solitude
ne pas aimer


*


Mince comme une plaine
je ne chante pas
préférant rester debout
quitte à n’attendre personne
dans mon chavirement


*


Ne suis pas encore
à rire devant la violence
vide, la bouche pleine
du silence du ciel


(Pour Beckett, qui assurément se marre)


*


Chers amis
je rentre dans l’épuisement
pas grand chose


(Intention de lettre à mes amis, depuis Barcelona)


*


J’existe de moins en moins
la preuve
je l’écris

23 juin 2009

ne vous mettez donc pas ainsi en colère cher esprit
pourtant si brillant de nuances et d'éther
vous cherchez or ce que vous cherchez
n'a pas la forme d'un monolithe
celui par lequel vous pensez
en me regardant
alors que je cause fenêtres ouvertes
ailleurs comme une femme
cible de vent
je me teindrai en coiffeuse
j'aurai des grossesses silencieuses
le dimanche en famille, et des robes
pas trop longues pas trop courtes
des pulls bleus pour ne pas choquer
assise j'écouterai on m'aimera
parce je n'aurai pas fait exprès
je boirai du café pour comprendre les gens
quand ils se plaignent du quotidien et de la machine
les femmes sont plus belles avec un défaut
une certaine asymétrie on n'aime pas les icônes
les grandes lignes violentes bien dessinées à côté de la track
de chemin de fer en cavale brunes et tragiques
noires et rouges héroïnes en talons
aiguilles sur les rails espagnols
mieux vaut les laisser seules
sur les écrans le papier
glacé dans les poèmes

or si je me tassais au centre et la suivais cette track
normale, sans trop de visage
pleine de bons sentiments rassurants et corrects
comme le mariage et la télé
au lent plafond de notre blanche maison
quand viendra la nuit
me parleras-tu de Derrida
ta main fermement close sur moi
pour que peut-être je rêve
à des murs qui tombent
à Barcelone nos ébats
violents comme l'absence
tu ne disais rien
et très fort, en catalan
j'ouvrais la fenêtre
inutile parmi les mouches

22 juin 2009

Comme me manque
Barcelone notre dialogue
où nous ne nous sommes
jamais retrouvés
ensemble du moins rappelez-vous
Barcelone était comme eau
manquante ici
quel ennui la terre
fend par endroit notre dialogue
manque à toute chose
vivante encore je vous
c'est difficile je ne
pas plus que vous mais
enfin quelle est l'équation vous êtes
au cœur de toute somme
quelle qu'en soit la portée ;
un jour peut-être
nous aurons pour salon
des rues de Barcelone
la beauté
et nos mains comme seul
passage du temps

17 juin 2009

Il m’a dit de me taire, je n'écrirai pas
les marées qui m’habitent toutes ces images
dans lesquelles exister quand
ce n’est pas possible ailleurs
ne parlerai pas des cicatrices
de ma bouche les brûlures
de cigarette qui sont les traces
ô symboles métaphores fabriques de cœurs artificiels souvenirs
de ça
que je ne prendrai pas la peine
de nommer ce qui m’intéresse c’est le vent
de nos voix entremêlées entre nos doigts dans le silence
de nos rencontres l’effleurement des pudeurs
la distance qui permet
à la souplesse
de prendre place

8 juin 2009

le jour où mon père m'a dit ma fille trouve-toi donc un vrai métier; tu pourrais être coiffeuse j'ai compris que je n'aurais plus d'autre choix qu'être poète

6 juin 2009

pour candide

petite flamme ronde et bleue
j'irai par toi
au bout de l'espérance
si c'est par le cœur
que se dénouent les failles
passe ici par le mien
qui te servira de chemin
pour aller en toi
chercher ma main