Carnet

CARNETS | marie deschênes

13 mai 2011

lettre à personne

Un jour nous partirons à bord d'un Orient-Express décrépit, de Londres vers Istanbul.
Le soir nous boirons du sauternes, je porterai ma sombre robe de guipure.
Le matin dans notre petit salon nous lirons les journaux anglais et ceux des pays que nous traverserons, nous mangerons peu et ne parlerons pas.
L'après-midi je me parfumerai et nous boirons le thé en discutant, citant les poètes, les philosophes que nous avons mille fois cités mais qui jamais ne s'épuisent.
Le paysage à côté de nous sera changeant et léger.
La plupart du temps, nous ne ferons rien. Nous regarderons le monde passer
et les jours s'écouleront au rythme des robes, des montagnes, des livres et des parfums.
Tout ne sera que mélancolie, lenteur dans la vitesse, des ailleurs qui nous portent.

Vous tomberez brièvement amoureux d'une voyageuse
française ou arménienne, qu'importe
dont vous retrousserez les jupons aux heures bleues alors que je dors.
Moi, je n'aimerai personne et mon cœur sera léger.
Nous serons un peu triste et nous vivrons plus
que tout ce monde que nous laisserons derrière.

Quand nous arriverons à Istanbul, il y a aura l'incertitude et la fatigue, l'émerveillement et l'ennui. Nous n'aurons plus d'argent pour l'hôtel, nous errerons dans les rues. Nous boirons du thé très sucré et très fort sous le soleil plombant, en costard tout de même et voilée, nous écouterons la musique des langues inconnues et sauvages qui nous encercleront. Les oiseaux et les arbres nous protégeront du hasard malheureux, ce sera une tendre et jolie fin du monde. Jamais nous ne reviendrons.