Carnet

CARNETS | marie deschênes

25 nov. 2011

combien de centaines de jours
à ne pas savoir broder

22 nov. 2011


Extrait journal - 29 avril 2011

J'aimerais vivre dans un train. [..] il n'y a rien comme cette exquise sensation du monde qui passe qui va qui part qui peut-être dérape, ce mouvement, vide, léger, sans sens. La signification est un poids qu'on accroche aux choses. Elle n'a rien de l'image, elle n'a rien du chemin. Elle n'est qu'arrêt.

Peut-être j'étudie la philo pour faire le ménage, dompter les mots. Peut-être que je réussis bien car je me méfie d'eux. Toujours je les approche avec doute et méfiance. Toujours je me méfie de leur surface. J'aimerais voir derrière, là où il n'y a rien qui cache et qui obscurcit, là où il n'y a rien.
J'ai toujours été intimidée par les gens qui parlaient en forme de livre, utilisant trop de mots, érudits, tellement de références que le discours prenait toute la place de ce dont ils parlaient. Je pense à la bouche immense de *** à la Buvette chez Simone, de laquelle sortait une pâte opaque de mots contenant des tonnes de choses qui n'existent peut-être pas ailleurs que dans sa bouche à ce moment-là. Et je pense à *** qui s'amuse avec la dentelles des mots, la soulève, les fait rougir, et sourit, et s'amuse. Toujours je m'égare dans ces surfaces, je ne sais pas comment y entrer, dans le jeu de la plastique. Je reste là devant, muette, comme un petit animal sauvage, fascinée mais en même temps interpellée ailleurs, derrière tout ça, qu'est-ce qu'il y a parmi, dedans, hors de, là où. Comme les chats intrigués par l'image des télés, qui vont derrière voir ce qu'il y a.
Et lorsqu'enfin je crois qu'il n'y a rien qui suivra cette attente – parce que pour moi toujours cela cache quelque chose, n'est que prélude - , soudain je m'ennuie et déçue, je m'éloigne.

*

Ceci dit, nous voilà en novembre, et je n'ai toujours pas trouvé ma roche grise parmi les roches grises. Celle qu'il faut choisir car elle décidera de notre sort.
Pourquoi me sont-elles toutes équivalentes?
Quel ennui, le monde.
Dessiner des paysages avec les roches est tellement plus intéressant qu'en choisir une.

19 nov. 2011

Godot

VLADIMIR - Alors, on y va?
ESTRAGON - Allons-y.


Ils ne bougent pas.

Rideau.

17 nov. 2011

j'allais écrire un poème mais cette lettre dit la même chose alors à quoi bon

14.3.10

lettre à Isaiah

c'est en dandys que nous nous noierons cher ami
dans un spleen aquoiboniste sans aucune ambition
insupportables et las
regardant le monde courir à sa perte avec indifférence
loin de la vulgarité du travail et de l'ambition
nous passerons notre temps
à palabrer à citer cioran avec inexactitude à trouver le monde laid
nous perdrons notre temps
dans les églises les musées et les bistrots
parce que l'ami
qu'y a-t-il d'autre que ça
dieu l'art et le vin
c'est un peu la même chose

15 nov. 2011

Méduses siamoises! Qu'on leur coupe les têtes!




voilà ce qu'on fait aux reines mélancoliques
qui refusent leur trône et ne croient en rien ;
lune tête coupée

11 nov. 2011

Épousai l'absence parfois me retrouve
en sa compagnie, compagne de nulle part
chercher n'a pas tellement besoin d'objet
tant que l'on s'égare, on peut être certain
que l'on cherche
No habrá nunca una puerta. Estás adentro
Y el alcázar abarca el universo
Y no tiene ni anverso ni reverso
Ni externo muro ni secreto centro.
(...)

[Jorge Luis Borges] Laberinto

9 nov. 2011

Le désordre, laideur quelconque du monde, comme une marée me monte au bord des yeux, des lèvres, des dents, de la gorge jusqu'à l'estomac ; un désordre si fin, microscopique, pourtant si parfaitement et uniformément répandu dans la structure du monde, un grain de sable dans un rouage, un virus passant entre les organes, une faille au cœur de la poutre, craquant, à peine perceptible, mais que j'entends où que je sois, et qui fait que tout lentement, éternellement, inlassablement s'écroule. J'entends le monde s'écroule, comme l'édifice dans lequel j'habite, rue Edouard-Charles, craque la nuit ; ses fondations pourries, ses murs dans lesquels poussent d'étranges champignons dont personne ne veut s'occuper, qui ne sont ni la responsabilité du propriétaire ni celle du locataire. Je ne supporte pas le monde ; les grincements de son impossiblement lente agonie me tiennent éveillée dans la plus constante inquiétude ou bien me plonge dans le plus profond ennui. Ne pas pouvoir sortir d'ici.

8 nov. 2011

Sauternes à minuit et l'amant qui se tait
moi je ne parle qu'en squelette je n'ai pas de chair
autour de mes os nous valsons un vent passe nous défait
je ne sais rien que refaire faire avec me glisser
sous quelque vie trouvée ça n'a pas d'importance
étrangère au pays une ligne divergente, je dessine
le paysage en n'étant pas làe
où il faudrait que je sois.


M.C. Escher

5 nov. 2011

"Va jusqu'au bout de tes erreurs, au moins de quelques-unes, de façon à en bien pouvoir observer le type. Sinon, t'arrêtant à mi-chemin, tu iras toujours aveuglément reprenant le même genre d'erreurs, de bout en bout de ta vie, ce que certains appelleront ta "destinée". L'ennemi qui est ta structure, force-le à se découvrir. Si tu n'as pas pu gauchir ta destinée, tu n'auras été qu'un appartement à louer."

[ Henri Michaux ] - Poteau d'angle