Carnet

CARNETS | marie deschênes

2 août 2009

bréviaire de disparition

pour Isaiah

aucun état liquide
entre le monde et son œil
une écharde regarde dehors
aride moment que celui de vivre


*


Elle est droite comme une poutre
debout au centre des luxuriances de la mer
la femme sans poème
dans sa fatalité
sa chance de n’être pas décharnée
perméable contre le soleil qui s’égare la bouche
close la main prête quand tout en elle
se densifie bois sec avant de mourir
sans jamais une faille même pas un poème
par lequel se noyer


*


Plus tard elle s’ennuie dans sa ménagerie
d’aubes et de fenêtres apprivoisées
des flacons silencieux d'eaux précieuses sa peau lisse
contre les lignes abstraites les idées qu’elle échappe
viennent s'éclater en elle la glace
oubliée entre la fin de l’enfance et le début de la mort
la pointe émoussée de vivre
qui n’a pas su ouvrir la faille


*


Elle est lasse elle aurait aimé aimer le monde
si limpide qu’il disparaitrait
au profit des astres
peut-être là derrière
toutes ces choses qu’elle refuse de nommer
par souci de lumière
et qui se cumulent
malgré elle


*


À force de taire
le monde continue
sa disparition


*


Elle perd le monde
en se perdant
dans la vitesse
elle croit


*


C’est
d’un poème dont on verrait
non pas la forme la structure la source
mais ce qu’il permet
de voir dont elle rêve


*

Il n’y a plus
que les inlassables
Omnes Generationes
de Bach les kilomètres le béton
pour la faire s'émouvoir
quelle est donc cette maladie
aride cette interminable indifférence
alors que les autres parlent
de douleurs d’arbres et de couleurs
elle n’a qu’une idée en tête
qu'elle n’arrive pas à nommer


*


Musique enfin
directions claires
de l’absence de sens

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