Cher Porte-Cigarette,
Je réalise que j'ai fait de vous un être utile ; à l'heure
j'ai besoin de cigarettes, mais vous n'êtes pas là, ici, vous êtes dans un ici
qui n'existe pas, je crains, car je n'y suis pas avec vous. Non pas que j'ose
prétendre que les limites du monde réel se déplacent au gré d'où je vais, mais c'est que ce vous utile que vous êtes devenu n'existe pas en dehors
de notre lien. Peut-être n'existons-nous pas l'un sans l'autre, enfin ce que
nous sommes aujourd'hui de printemps et de naissances, car qu'en est-il après
tout de la réalité, de la mémoire et des sens, que sais-je de vivre à part
cette envie de vous qui m'apporterait des cigarettes? Pour que je puisse vous
inventer, à l'écran parce que vous n'êtes pas là, vous inventer dans le
mouvement que je tente de créer entre les vers, vous inventer libre, vous en
vent. Être une fleur est simple, et le simple n'est pas le facile. Il n'est pas
facile d'être en soi une tornade de transparences qui ne déplace rien, d'être
un possible qui a envie de fumer des rouges. Le printemps est tellement là ici,
si vous saviez comment vous prenez racine en moi à plusieurs endroits ces
jours-ci. Il m'arrive de m'absenter de la naissance, oui. Il m'arrive de ne pas
être à l'heure quand le printemps arrive. Il m'arrive de m'attarder dans
quelque autre saison, pendant que vous m'aimez. Mais n'ayez crainte, il n'y a
nulle absence où vous n'êtes quelque chose d'utile.
Je vous embrasse dans le vent, quelque part, que nous
formons.
Marguerites
1 commentaire:
François, vous saurez me dire.
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